par Samuel Cogliati Gorlier
4 janvier 2023
Le piège du tout-anglais expliqué aux Français par un Anglais. C’est le titre du dernier ouvrage de Donald Lillistone, paru aux éditions Glyphe.
Je n’ai pas encore lu ce court ouvrage, mais l’épisode de l’émission de RFI « De vive(s) voix », qui a accueilli l’auteur, est intéressant. Il faut le concéder : cette entrevue n’apporte sans doute pas des éléments nouveaux illuminants – le linguiste Claude Hagège a par exemple longuement traité le sujet dans son livre Contre la pensée unique, voilà dix ans –, mais il n’est pas inutile de revenir de loin en loin sur quelques réflexions.
À quelques petites exceptions près – par exemple que la grammaire de l’anglais n’est pas plus simple que celle d’autres langues, mais la question est complexe1 –, la vision de Lillistone peut être partagée.
Notamment en ce qui concerne sa position de fond : ce qui est regrettable de l’adoption systématique et irréfléchie de l’anglais de par le monde, c’est le manque de motif. L’anglais domine de long en large la planète en raison de la suprématie économique, politique, militaire, et partant culturelle, des États-Unis. C’est un fait, que cela nous plaise ou pas. Et cette domination prend la relève d’une autre hégémonie précédente, celle britannique (qui déplaît sans doute aux Français).
Or, que le français – ou l’italien, ou l’espagnol, etc. – s’étiole au profit de l’anglais peut être malheureux. Non pas par admission d’une faiblesse géo-politique, qu’il serait idiot de nier, mais par soumission spontanée et infondée sur le plan culturel. Une langue reflète toujours une pensée, et se plier de manière injustifiée sur ce plan revient à un appauvrissement inutile et pernicieux.
La question n’est pas de déterminer ou pas la supériorité d’une langue sur d’autres. D’ailleurs, l’idée même d’une hiérarchisation est accablante. Le problème, comme l’a si bien mis en exergue Claude Hagège, est la propagation d’une langue unique (simplifiée) préconisant une pensée unique (simplifiée).
La langue de l’Europe, pour ne s’en tenir qu’à notre continent, est bel et bien le multilinguisme ou, à défaut, la traduction, comme le proposait Umberto Eco. Ce qui est autrement plus riche et profitable. •
1 Lillistone a raison de souligner que c’est plutôt le globish que l’anglais qui circule dans le monde entier en tant que langue véhiculaire. Néanmoins, aurait-il été possible de simplifier la grammaire de l’allemand ou du grec moderne afin d’obtenir le même outil ?