par Samuel Cogliati Gorlier

• 1er novembre 2024 •

Ça s’appelle une coiffe. C’est une feuille d’aluminium – parfois mêlé à du plastique et/ou du vernis – qui recouvre le bouchon et le col d’une bouteille de champagne ou autre vin mousseux. 

En 2023 l’Union Européenne a décidé de la rendre facultative, laissant ainsi aux producteurs la liberté de choisir. Éliminer la coiffe permet d’économiser l’énergie nécessaire à produire ce matériau, par ailleurs très polluant. Elle peut être avantageusement remplacée par une bande en papier, mais le bouchon – retenu par un muselet ou par une ficelle ou une agrafe – peut aussi rester apparent. 

Seulement voilà, l’UE a précisé que cette libéralisation écologique peut être contestée par toute appellation d’origine qui souhaiterait. C’est ce qu’ont fait les instances champenoises qui, s’appuyant sur une étude révélant que la coiffe est perçue par les consommateurs comme un élément identitaire du champagne, ont décidé d’inscrire l’obligation de la coiffe dans le cahier des charges de l’AOC. Cette modification de la loi régissant l’appellation contrôlée a été publiée dans le JORF fin septembre. 

C’était sans compter avec le collectif “Ça décoiffe en Champagne”, qui rassemble plusieurs vignerons souhaitant défendre la liberté de choix. La position du collectif a été ralliée par d’autres acteurs locaux : l’Association des Champagnes Biologiques (ACB), les Vignerons Indépendants de Champagne et la Confédération Paysanne

Ces groupements ont lancé une pétition en ligne en appelant aux vignerons et aux maisons afin qu’elles fassent barrage au nouveau cahier des charges. Comme la loi le prévoit, l’action doit aboutir avant le 26 novembre. 

«Cette obligation, écrivent les 4 entités dans un communiqué, soulève, par ailleurs, la question d’un possible conflit d’intérêt. Le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne [en charge de la gestion du cahier des charges, en tant qu’Organisme de Défense et de Gestion local] est également un important vendeur de coiffes pour les petits vignerons. Cette activité représente une part non-négligeable de ses recettes.
La décision d’imposer le port de la coiffe, prise de manière discrétionnaire et sur la base d’arguments discutables sur la notoriété de l’appellation, témoigne d’un véritable déni de démocratie dans la gestion de plus en plus “hors-sol” de l’AOC Champagne.»

Par ailleurs, la modification du cahier des charges propose de réintroduire l’autorisation d’utiliser les désherbants de pré-levée (c’est-à-dire d’hiver), actuellement proscrits. 

D’après les instances champenoises, «la coiffe représente un faible impact environnemental puisqu’elle ne représente que 0,6% du bilan carbone de la filière», sans pour autant la chiffrer. •


(En haut, quelques bouteilles “décoiffées” de vignerons champenoise. Photo © Collectif Ça décoiffe)